Le lien étroit entre histoire et géographie
Le massif des Pyrénées a toujours eu une tradition d’élevage. Dans une région difficile par nature, le bétail permet de valoriser les différents espaces : vallées profondes, pâturages d’altitude, piémonts… Les troupeaux laitiers de vaches, chèvres ou brebis trouvent naturellement leur place grâce à une alimentation traditionnelle à base d’herbe. Ces troupeaux cohabitent pour exploiter au mieux la richesse fourragère favorisée par la diversité des prairies. Le fromage, d’estive ou de ferme, est un moyen simple pour à la fois conserver et transporter le lait. La tomme des Pyrénées est donc un fromage rustique jadis destinée à couvrir l’autoconsommation des éleveurs et fabriqué indifféremment à partir des trois laits (vache, chèvre et brebis), utilisés purs ou en mélanges.
Autrefois, les difficultés de communication liées à la géographie des Pyrénées favorisent la transformation au plus près des zones d’élevage. Le fromage des Pyrénées est fabriqué en montagne durant l’été, en vallée durant l’hiver. La transformation de la traite du jour et la diversité des troupeaux (vache – brebis – chèvre) privilégient souvent la confection de fromages de mélanges. La taille des chaudrons est adaptée au volume de la collecte journalière, en général entre 30 et 50 litres. En pratique, ce volume va définir le format des tommes : entre 4 et 6 kg en brebis, 3 à 5 kg en vache ou chèvre. Ces formats correspondent à ce que l’on va appeler dans un premier temps le « fromage de chaudière » et qui deviendra ensuite la Tomme des Pyrénées. Traditionnellement, c’est un fromage rustique capable d’être conservé pour être commercialisé en retour d’estive. La rareté de la ressource en bois sur les sommets a également conduit les Pyrénéens à opter pour la confection d’un fromage à pâte pressée non cuite, contrairement aux fromages de garde des Alpes ou du Jura. Sa croûte rustique est en revanche son meilleur allié pour assurer une bonne conservation.
Historiquement, les premiers éléments précis sur la Tomme des Pyrénées remontent au XIIème siècle, lorsque Louis VI « Le Gros », de passage à Saint Girons en Ariège, se voit offrir du fromage pyrénéen par les personnalités de la ville. Néanmoins, jusqu’au milieu du XIXème siècle, cette production fromagère conserve une dimension familiale.
A partir de 1860, la fabrication de la Tomme des Pyrénées se développe. Alors que la politique de reboisement des montagnes (loi du 28 juillet 1860) sous l’impulsion de la Direction des Forêts, tente de mettre un coup de frein aux effets négatifs de l’écobuage et des défrichements des forêts, les populations vivants du pastoralisme se font entendre. La loi sur le gazonnement des montagnes (loi de 1864) vient alors compléter le dispositif pour limiter les phénomènes d’érosion des sols. Cette loi favorise sur certaines zones la réimplantation d’herbage et les estives deviennent une gestion collective.
Parallèlement, l’État subventionne la création de « Fruitières » où la fabrication du fromage prend une dimension artisanale. Ces structures transforment le lait qu’apportent les éleveurs et commercialisent les fromages. Le « fruit » de la vente est réparti entre le « fruitier » et les éleveurs. Cette nouvelle organisation de la filière pyrénéenne va favoriser les investissements et l’introduction d’innovations technologiques, sous l’influence de « fruitiers instructeurs » venus du Jura.
En 1871, 95 % de la production laitière des Pyrénées est valorisée en fromage. Durant une vingtaine d’années, les fruitières se multiplient sur l’ensemble de la chaîne des Pyrénées. Cette tendance s’inverse à la fin des années 1800 avec l’apparition des premières industries. En 1886, le premier industriel s’installe à St Girons et collecte dans un rayon de 30 km. Au fil des années, le savoir-faire perdure et s’adapte à chaque type de fabrication fermier, artisanal et industriel.